Dans cet article, vous apprendrez pratiquement comment conduire chaque séquence de cet outil étonnant de simplicité qu’est la réunion de fonctionnement. Aucun risque, très peu de temps et un effet maximum. Pourquoi vous en priver ?

Les effets positifs de la réunion de fonctionnement

Le premier avantage de la réunion de fonctionnement est de permettre à tous les membres de l’équipe un espace de parole, une respiration, pour « poser les valises » et exprimer tout le non-dit qui s’est accumulé en raison du rythme de travail souvent intense et peu propice à ces temps de parole.

Cette réunion originale offre également l’opportunité de mesurer les progrès réalisés par l’équipe, dans leur fonctionnement justement. Il y a en effet plein de choses qui évoluent et avancent, et l’équipe ne s’en rend parfois même pas compte !

Il est par ailleurs ‘’amusant’’ de constater que si toutes les équipes sont aujourd’hui bardées d’indicateurs et d’objectifs en tous genres, peu d’entre elles ont des indicateurs qui mesurent leur « courbe de température interne ».

De plus, ces réunions occasionnelles servent à apaiser les esprits, et à réguler les tensions et difficultés quotidiennes. Cela va permettre de faire disparaître d’eux-mêmes de nombreux problèmes, qui seront résolus par l’équipe de manière simple et naturelle, rien qu’en étant discutés dans les bonnes conditions.

Enfin, la réunion de fonctionnement, si elle est faite de manière régulière, offre à chacun l’opportunité de mieux connaître et comprendre à la fois le cadre de référence collectif et la logique individuelle de chacun de ses collègues.

Certains comportements qui pouvaient sembler incompréhensibles vont ainsi prendre un sens nouveau beaucoup plus positif. On a alors toutes les chances d’observer l’intelligence collective se mettre en marche progressivement, et les différents membres de l’équipe jouer de leurs différences plutôt que s’opposer dans leurs valeurs.

 

Quelles thématiques peut-on aborder pendant une réunion de fonctionnement ?

Son nom l’indique, la réunion de fonctionnement est une réunion interne, exclusivement dédiée au fonctionnement de l’équipe. Il faut donc parler du processus (« Comment s’y prendre entre nous pour… ? ») et non pas des sujets opérationnels, qui doivent être réservés à d’autres réunions plus classiques de l’équipe. On n’abordera donc ici ni les résultats, ni l’activité, ou la politique de l’entreprise, pour ne focaliser que sur les sujets internes à la vie de l’équipe, tels que :

  • Circulation d’information
  • Processus de décision
  • Qualité du climat et de l’ambiance
  • Pratiques de convivialité,
  • Fluidité des interactions
  • Partage des responsabilités
  • Réalignement des objectifs
  • Définition et répartition des priorités, …

D’ailleurs, il est essentiel de bien rappeler les « règles » et enjeux de cette réunion à l’équipe, afin d’éviter que ces sujets parfois sensibles ne soient laissés de côté, au profit des aspects opérationnels habituels, toujours urgents… Vous pouvez ainsi proposer quelques exemples tirés de la liste ci-dessus lors des précédentes réunions, pour lancer les discussions sur les bonnes thématiques.

 

Fréquence et format

De par notre expérience, nous pensons que l’idéal serait d’organiser quatre réunions de ce type par an. Cela permet de conserver un rythme réaliste tout en appréciant les progrès  chaque changement de saison.

Plus souvent ? Il est rare d’avoir le temps. Et cela donnerait l’impression de « se prendre la tête » à multiplier des bilans tout le temps !

Un ou deux par an seulement ? Il y aurait tant de choses à dire, que cela ne tiendrait pas en deux heures. De plus, les dysfonctionnements seraient trop anciens pour être évoqués de façon pertinente et surtout, ils auraient engendré des effets négatifs et préjudiciables depuis trop longtemps.

En revanche, organiser une réunion de fonctionnement spécifique au cours de certaines périodes délicates peut être parfois bénéfique à l’équipe : un changement de contexte important, une transition après une grosse période de pression, un événement interne chargé d’émotions, etc…).

Généralement, deux heures sont suffisantes pour organiser ce type de réunion. Néanmoins, il est prudent de fixer cette réunion dans l’agenda afin de pouvoir déborder un peu si c’est nécessaire.

De même qu’un chirurgien prendra toujours soin de recoudre son patient après son intervention, il est essentiel de ne pas arrêter brutalement la discussion au milieu d’un point sensible (au prétexte du respect de l’agenda prévu), surtout si ce point sensible ne concerne qu’un ou quelques participants. Rien de pire pour créer des frustrations et transformer cet outil positif en « accélérateur de particules négatives ».

Dans l’idéal, il faut débuter en milieu de matinée, et finir la réunion par un déjeuner, au cours duquel chacun savourera la satisfaction d’avoir su grandir ensemble.

Enfin, nous vous conseillons de ne pas planifier une autre réunion opérationnelle juste après ou juste avant. Les sujets abordés étant d’un tout autre ordre, il peut être difficile de changer de mode de communication au sein d’une même réunion.

La réunion opérationnelle risque de déborder sur la partie dédiée fonctionnement, ce qui provoque deux effets négatifs:

  • On n’a plus le temps de bien traiter la seconde partie (alors soit on reporte, mais c’est casse-pieds, soit on bâcle un peu et c’est très frustrant)
  • On envoie au système un signal faible qui parle très fort : Cette réunion n’est pas aussi importante que l’autre. La santé de l’équipe elle-même est moins importante que ses performances.

 

Bien choisir son cadre

Ces réunions étant bien distinctes de réunions opérationnelles habituelles, il peut être bénéfique de prolonger cette rupture en changeant également le cadre de la réunion : Vous pouvez par exemple retirer la table pour disposer des chaises en cercle, ou bien ranger le vidéoprojecteur et utiliser plutôt vos paperboards.

N’hésitez pas à susciter l’étonnement dès que vous le pouvez. Cela peut aller du simple changement de salle au choix d’un endroit plus inhabituel : la pelouse du parc voisin, l’atelier après le départ du personnel, la surface de vente avant son ouverture…

Une seule contrainte : être au calme et avoir la possibilité de parler sans aucune retenue.

 

Comment s’y prendre concrètement ?

Il n’est pas nécessaire d’avoir un ordre du jour ou de se préparer au préalable avant ce type de réunion. En revanche, vous pouvez privilégier une réflexion individuelle écrite (RIE) en début de séance.

L’ordre du jour peut s’écrire en équipe pendant la séance, à l’issue des tours de table.

Si vous demandez une préparation préalable à votre équipe, le risque est qu’elle soit inégale en fonction du style et des contraintes de chacun. Ceux qui auront préparé très minutieusement cette réunion risquent de monopoliser la parole, tandis que d’autres peuvent « aiguiser leurs résistances ». Or il est primordial que chacun puisse s’exprimer, l’avis de chaque individu étant aussi important que celui de tous les autres.

A l’inverse, en n’imposant aucune préparation mais en organisant un temps de réflexion à l’écrit en début de séance, on peut être certain que chacun va prendre un minimum de temps pour réfléchir. Cette réflexion individuelle à chaud sera plus vivante, et souvent plus authentique qu’une préparation qui risque d’engendrer une parole plus « politique », au détriment d’un vrai partage sur le fond.

Deux questions pour cette RIE (environ 15 minutes)

Les deux questions posées au groupe pour cette réflexion individuelle écrite doivent être simples: Qu’est ce qui a bien fonctionné dans l’équipe depuis 3 mois, et qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans les 3 prochains mois ?

Exemples de formulation pour la première question

– qu’est-ce qui a bien fonctionné entre nous depuis 3 mois ?

– de quoi sommes-nous fiers depuis les 3 derniers mois ? Quels sont les risques que nous avons pris et qu’en avons-nous retenus ? (si l’équipe est sous pression)

– quels progrès avons-nous fait dans notre communication, coordination, collaboration, cohésion … (cette question prend son sens notamment si l’équipe avait identifié des progrès à faire sur ces thèmes lors du dernier point)

– quand les autres équipes parlent de nous en bien, que disent-elles ? (quand l’équipe a du mal à voir le positif car l’actualité est pesante)

– qu’avons-nous essayé de nouveau ces 3 derniers mois ? (quand l’actualité est routinière)

NB : Dans tous les cas, les participants doivent pouvoir illustrer les points évoqués par des exemples concrets de ce bon fonctionnement

 

Exemples de formulation pour la deuxième question :

– quels points de fonctionnement mériteraient d’être améliorés lors des 3 prochains mois ?

– de quoi serons-nous fiers dans 3 mois ? Et comment allons-nous y arriver ?

– sur quels points devons-nous être vigilants pour mettre en action nos décisions ? (quand l’équipe a du mal à tenir ses engagements)

– quelles priorités devons-nous fixer pour retrouver du souffle et de l’énergie (quand une équipe est asphyxiée par les projets)

– …

NB : Ici aussi, il faut demander aux participants de proposer une formulation constructive d’amélioration, et non de simples plaintes ou des reproches


Premier tour de table (environ 30 minutes)

Chacun va donner à son tour un des points qu’il a listés. Le tour de table prend fin quand tous les points ont été inscrits sur le paperboard.

L’objectif n’est surtout pas ici de discuter chacun de ces points avec l’ensemble du groupe, ce qui prendrait un temps infini, mais seulement d’apporter une succession de témoignages brefs et illustrés.

Une séquence rapide de partage de représentations s’engage ensuite : comment réagit chacun face à cette liste de points de satisfaction ?

Les points faisant l’unanimité peuvent être visualisés, et vous pouvez vérifier que le groupe sait comment capitaliser sur ces points positifs dans le temps.

Les points ne faisant pas l’unanimité peuvent être débattus avec l’équipe. Attention, l’objectif n’ait pas que chacun tombe d’accord, mais bien d’accepter l’opinion différente de chacun sur les événements récents. Ce regard différent doit permettre à chacun de réexaminer son propre point de vue.

Si jamais l’un des points abordés divise vraiment le groupe, proposez alors de le conserver pour la seconde partie de la réunion.

Pour finir, vous pouvez donner vous aussi votre ressenti face à cette liste de points positifs.

 

Second tour de table (environ 15 minutes)

De la même façon, chacun évoque à tour de rôle une perspective ou proposition d’amélioration concernant le fonctionnement de l’équipe. Le membre d’équipe qui sera chargé de les noter sur le paperboard essaiera de respecter au mieux les mots que chacun a utilisés pour exprimer son idée, même si cela a été ensuite énoncé différemment par un autre.

 

Débat et construction (environ 45 minutes)

La première partie du débat consiste à trier et choisir ensemble 3 priorités qui feront l’objet d’un examen plus attentif et de décisions par le groupe.

Si le sujet ne peut pas être examiné immédiatement, soit par manque de temps, soit par manque de moyens (absence d’une personne clé, d’une information, d’une autorisation, etc.), l’équipe peut désigner un petit groupe de 3 à 5 personnes qui proposeront dans les jours qui viennent un plan d’action sur ce point.


Conclusion et engagements (environ 15 minutes)

Pour conclure cette réunion de manière efficace, conservez impérativement 10 à 15 minutes pour mettre l’accent sur le bénéfice collectif de cette réunion, et demander à chacun comment il compte s’engager par la suite.

Pour cela, vous pouvez au cours d’un dernier tour de table, sans débat, posez les deux questions suivantes à chacun :

– Qu’avons-nous appris collectivement sur nous pendant cette réunion ?

– Comment penses-tu t’engager personnellement pour contribuer positivement aux décisions prises ?

 

Votre posture de manager-coach pendant une réunion de fonctionnement

Pour cet exercice, il est indispensable d’adopter une position essentiellement basse. En effet, à part durant l’introduction et la conclusion, vous êtes un membre de l’équipe comme les autres, peut-être même volontairement plus discret que les autres, afin de les laisser s’exprimer.

Quelques conseils-clés sur votre posture :

  • L’objectif n’est en aucun cas d’obtenir un accord de toute l’équipe, mais bien de permettre l’expression des regards différents de chacun sur le fonctionnement de l’équipe, afin de donner confiance et énergie et d’éviter les malentendus et tensions inutiles.
  • Dans vos choix, privilégiez les sujets permettant une large marge de manœuvre à la fois en termes de créativité et de prise de décision autonome.

NB : Certes, aborder les autres sujets, rapidement, pourrait « purger » légèrement les rancœurs et permettrait de se faire plaisir en étant tous d’accord « contre », mais débattre longuement de questions dont la résolution ne nous appartient pas, créera surtout de la frustration et du découragement.

  •  Vos interventions doivent se limiter :
    • A l’introduction, pour remettre en tête à tous l’objectif et les règles de la réunion
    • Aux phases de transition, pour reformuler et aider le groupe à avancer dans sa réflexion collective
    • Au rappel du cadre et des règles si nécessaire, à la protection de chacun en particulier, et à la circulation de la parole
    • A la conclusion, pour s’assurer que l’équipe ressort en ayant l’impression d’avoir avancé et que chacun a formalisé son engagement de contribution aux décisions prises.

Pour rappel, cette réunion de fonctionnement est un traitement préventif, une pratique d’hygiène qui vise à entretenir la santé de l’équipe. L’objectif n’est pas de résoudre avec cette réunion une situation de crise. Pour cela, nous présentons dans d’autres articles des interventions plus adaptées pour résoudre des tensions et conflits. La réunion de fonctionnement est donc sans danger, sans contre-indication. Si vous l’effectuez ne serait-ce que deux ou trois fois dans l’année, vous observerez un changement très net dans l’ambiance de votre équipe. Essayez donc…

Frank Salles

Ecouter la vidéo sur le bilan de fonctionnement :